Nous vous en avions parlé le 12 mars dernier dans nos pages ici même, en ce jeudi 20 mars 2025 se tenait la conférence des Video Game Masters qui a lieu chaque mois au Forum des Images à Paris. La rédaction de Game Cover a eu la chance d’assister sur place pour avoir un aperçu global de la carrière d’Édouard Caplain et d’aborder plus en détails le point d’orgue à la carrière du développeur qu’est Jusant. En fin de conférence, nous avons pu échanger quelques mots, exceptionnellement pour vous, avec Édouard Caplain.

Le maestro des coups de pinceaux (interview)

Game Cover : Bonsoir Édouard Caplain, pouvez vous nous expliquer ce que vous faites chez Dontnod ? Et concernant votre dernier bébé qu’est : Jusant ?
Édouard Caplain : Je suis actuellement directeur artistique chez Don’t Nod. Pour pas vous mentir, cela fait 13 ans que je suis ici. Avant tout cela, j’étais concept artist sur les deux Life is Strange, puis je suis passé directeur artistique sur Jusant. Je m’occupe de la partie visuelle du jeu, de toute la partie artistique.
Game Cover : Ce dernier projet vous tient particulièrement à cœur. Comment le qualifierez vous ?
Édouard Caplain : C’est un jeu, tout ce qu’il y’a plus de banal avec son petit quelque chose en plus que nous avons apporté par le biais de notre patte graphique. Entre autre parce qu’il y a tout le gameplay, la boucle de gameplay de grimpe, l’aspect puzzle de ce défi d’escalade. Et puis, tu as l’expérience poétique, méditative. Tu montes à ta propre vitesse, tu explores à ton rythme. Il n’y a pas de pression derrière. Pour être honnête, ce n’est pas un jeu comme les autres. Ce n’est pas bourrin comme d’autres jeux où il y a beaucoup d’action. Avec Jusant, on a essayé de faire une expérience qui est assez différente de ce qu’on a fait avant sur les Life is Strange, un univers beaucoup plus léger et positif.
Game Cover : Dernière question. Comment vous êtes venue l’idée de Jusant ? Pourquoi ce titre précisément ?
Édouard Caplain : Ce que l’on a tenté de faire avec Jusant, on a misé et mis l’accent sur l’environnement et sur la partie narrative à la fois. Le but, c’est de tourner autour de l’eau. De l’absence d’eau, pour parler de l’eau sans voir de l’eau. C’est un challenge et c’est marrant de te dire que tu fais tout un jeu sans eau alors que tout au long de la grimpe, tu ne parles que de ça. Concernant le nom de Jusant (ndlr : Jusant est le nom que l’on donne à la marée descendante), je ne sais pas si tu l’as ressenti dans le jeu en grimpant, mais il y a beaucoup de choses qui ramènent au côté marin. Il y a les bateaux que tu as dû voir, mais aussi tout ce qui est végétation, habitations. Tout en fait te dit qu’il y avait de l’eau, et en même temps quand tu joues, il n’y en a pas. D’où ce côté mystérieux : pourquoi il n’y a pas d’eau ?
Game Cover : Merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions et pour les lecteurs de Game Cover.
Moddeur tout en couleur mais débuts prometteurs
Dans cette carte blanche animée par Marine Macq (ndlr : autrice et galeriste), Édouard Caplain commence par évoquer son parcours et son entrée dans l’industrie du jeu vidéo, influencé par des classiques comme Half-Life et Fallout. Il parle de ses débuts dans le modding, puis de son passage à la direction artistique après une formation initiale en production. Il explique comment des forums comme Café Salé lui ont permis de découvrir des artistes conceptuels et de progresser en dessin. Son premier grand projet dans l’industrie est Alien: Isolation, où il travaille sur la direction artistique des décors en s’inspirant des concepts originaux du film Alien puis après avoir été sollicité une seconde fois sur Remember Me.



Par la suite, Édouard a joué un rôle clé dans la direction artistique des deux premiers Life is Strange en tant que concept artist chez DON’T NOD. Son travail consistait à donner une identité visuelle forte à ces jeux narratifs, qui sont connus pour leur atmosphère unique et leur approche cinématographique.
Lors de la conférence, il évoque son expérience sur ces projets et la manière dont l’esthétique de Life is Strange a été façonnée. L’objectif était de créer un style graphique distinctif, mêlant un rendu qu’il qualifie de “semi-réaliste” à des couleurs marquées et une lumière douce qui accentuent l’ambiance émotionnelle du jeu. Il explique que l’équipe artistique cherchait à retranscrire une sensation à la fois nostalgique et intime, en s’inspirant d’œuvres cinématographiques et picturales.
L’un des défis majeurs était de concevoir des environnements qui racontent une histoire sans nécessiter trop de dialogues. Par exemple, la chambre de Max ou les ruelles de Arcadia Bay sont chargées de détails qui reflètent la vie et les souvenirs des personnages. Édouard revient aussi sur le travail des couleurs et des effets de peinture numérique qui ont donné ce rendu si particulier aux textures du jeu.
Il souligne que cette approche artistique lui a permis d’affiner son regard sur la narration visuelle, ce qui a grandement influencé son passage à la direction artistique sur Jusant. Contrairement aux teintes mélancoliques de Life is Strange, Jusant adopte un univers plus lumineux et méditatif, avec une direction artistique axée sur la verticalité et l’exploration.

Jusant le petit jeu qui a tout d’un grand
Édouard Caplain aborde ensuite le développement de Jusant et les choix artistiques qui ont façonné son esthétique. Il explique pourquoi ils ont opté pour un rendu graphique stylisé avec une forte accentuation des formes et des couleurs sans textures détaillées. Ce choix visuel vise à renforcer la lisibilité du gameplay basé sur l’escalade, en mettant en avant des prises naturelles et en intégrant un éclairage spécifique pour rendre la verticalité fluide et immersive.


Le développement du jeu a également impliqué une collaboration étroite avec les artistes 3D et animateurs, notamment pour la conception du personnage principal et de la créature Balisto. Cette petite entité accompagne le joueur tout au long de son ascension et a nécessité plusieurs ajustements pour équilibrer son apparence et ses animations.

C’est bio ? C’est neuf ? Juste tout beau, tout propre.
Édouard insiste sur l’importance du storytelling environnemental, expliquant comment les décors racontent l’histoire de ce monde abandonné. Chaque élément visuel, des racines géantes aux vestiges d’habitations, contribue à une narration implicite qui pousse le joueur à imaginer ce qu’était la vie sur la tour avant qu’elle ne soit désertée.
Enfin, il évoque le travail collectif derrière le jeu, mettant en avant la liberté accordée aux artistes pour apporter leur propre vision au projet. Cette confiance et collaboration ont permis de créer un univers riche, cohérent et mémorable.


Si vous souhaitez en savoir d’avantage sur l’univers complet de Jusant, nous vous mettons à disposition une vidéo à consulter ci-dessous qui est consacrée aux environnements de Jusant et bien entendu, le replay de la soirée à laquelle nous avons pu assister.
Pour conclure, toute la rédaction de Game Cover souhaite exprimer sa profonde gratitude au Forum des Images pour son invitation et son accueil chaleureux. Ce fut un véritable plaisir de participer à cet événement et d’échanger autour de sujets aussi passionnants. Merci encore pour votre organisation impeccable et votre générosité !
ArtStation : ArtStation – Edouard Caplain
Site officiel : edouard caplain
Instagram : Edouard Caplain (@edouard_caplain) • Photos et vidéos Instagram
Concept Art World : Edouard Caplain | Concept Art World
merci c’est trop bien!