Très remarqué à Annecy, le film d’animation basé sur le oneshot du papa de Chainsaw Man était dans les cinémas le week-end dernier pour une sortie aussi courte qu’exceptionnelle. Bien sûr nous étions au rendez-vous dans les salles pour vous en parler !
Tatsuki Fujimoto fait partie de ces auteurs talentueux de la nouvelle génération de mangakas, nous ayant déjà proposé une série très sombre comme Fire Punch et continuant avec un shônen à succès, Chainsaw Man, encore en cours de publication et dont une première saison animée est disponible sur la plate-forme Crunchyroll. Prolifique, il a également écrit deux oneshots, dont Look Back dont il est ici question de l’adaptation en film.
Fujino, adolescente surdouée, a une confiance absolue en son talent de mangaka en herbe. Kyômoto, elle, se terre dans sa chambre et pratique sans relâche le même art. Deux jeunes filles d’une même ville de province, qu’une passion fervente pour le dessin va rapprocher et unir par un lien indéfectible…
Le film est à l’image du manga qu’il adapte : court, mais intense. Il ne dure en effet qu’à peine une heure. Mais on en aimerait tellement plus ! L’émotion est au rendez-vous, que ce soit la joie face aux gags visuels que l’animation peut proposer ou bien la tristesse quant au déroulé de l’histoire.
Fujino, mangaka amatrice au début du film, crée des yonkomas (histoires courtes de gags en 4 cases) pour le journal de son école primaire. Le film permet de donner vie à ces histoires drôles avec un style en décalage du reste de l’animation, ce qui crée des situations comiques lors de l’incipit avant de plonger dans le reste, plus sérieux, de l’histoire. Il est en effet ici question d’art, de création, d’amitié mais aussi de deuil, un thème cher à Fujimoto puisqu’il est présent dans tous ses mangas. Son personnage est animé dynamiquement, très expressif, à l’image de la confiance en elle qu’elle possède au début du film.
Remettant son travail en question après avoir vu celui, bien meilleur, de sa camarade phobique sociale Kyômoto, le film propose des scènes de training montage pouvant sembler classique au premier abord, mais maîtrisées avec brio, notamment concernant l’éclairage changeant dans la chambre où elle dessine en fonction des saisons et sur les petits jump cuts montrant l’accumulation de ses carnets d’entrainement.
Le spectateur assiste à une déclaration d’amour à l’art du manga, dans une histoire où l’on sent que l’auteur a puisé de son vécu pour lui donner vie.
C’est un hasard pur qui lie les héroïnes dont le destin sera partagé dans le monde du manga : Fujino doit livrer son certificat de fin d’année à Kyômoto, mais ne trouvant réponse à ses appels à son domicile, elle griffonne un de ses yonkomas qui virevolte et passe sous la porte de la chambre de sa camarade. Kyômoto le ramasse, et folle de joie de découvrir une oeuvre de celle qui l’a inspirée dans la voie du dessin, vainc sa phobie sociale pour sortir et aller lui parler. Les deux ne se quitteront désormais plus, et deviendront un duo de mangakas à succès dès le lycée.
Leur ascension est toujours suivie dans le temps par un montage maîtrisé sur le passage des saisons et du temps. A noter que l’on voit Fujino de dos très souvent tout le long du métrage (“back” en anglais, le titre prend donc plusieurs sens).
C’est également le hasard, tragique cette fois, qui met fin à la belle amitié entre ces deux femmes : en école d’art, laissant Fujino gérer seule sa série de manga (qui offre un petit clin d’œil à Chainsaw Man), Kyômoto est victime de l’attaque d’un sans abri armé contre l’établissement et tuée. C’est là qu’intervient la poésie de cette œuvre en plongeant dans le registre fantastique : considérant que c’est de la faute du petit dessin qu’elle a fait chez elle lorsqu’elle lui a amené son certificat, Fujino imagine un tout autre scénario où elle déchire son yonkoma ce jour, ce qui fait que son amie ne sort jamais de sa chambre pour la rencontrer.
Dans cette timeline alternative, elle a arrêté le dessin comme prévu de base, et ne devient pas mangaka. Kyômoto finit quand même à l’école d’art victime d’une attaque, mais cette fois est sauvée par Fujino qui s’est mise au karaté. Quoiqu’il arrive, le destin devait les lier.
Tout se conclut sur une Fujino dans le présent après avoir retrouvé une petite feuille vierge pour dessiner des quatre cases dans la chambre de Kyômoto. Souriant, elle reprend le travail en accrochant cette petite feuille devant son bureau, comme un rappel du travail accompli jusqu’ici. Et reprend le sien, de dos, penchée sur sa tablette à dessin.
En conclusion, le film adapte très bien le court oneshot duquel il est tiré, en y ajoutant ce que l’animation a de mieux à proposer : des émotions, suscitées par le mouvement ainsi que la musique, discrète mais contribuant tout de même pleinement aux scènes. Même s’il est court, le film a beaucoup à proposer, plusieurs niveaux de lectures, mais l’essentiel sera compris par les spectateurs : c’est l’envie de créer et la passion qui seront moteurs dans nos vies. Et c’est un joli message.
Le oneshot Look Back est disponible aux éditions Crunchyroll chez votre libraire préféré. On ne peut que vous en recommander l’achat.